Introduction
1. Choix du crayon
2. Matériel de base
3. Taille de la mine
4. Le mélange à sec
5. Humidification
6. Étape par étape
La bataille
Chapitre 4
Technique de base : le mélange à sec
Présentation
Cette
technique est évidemment la principale et même la seule
pour la plupart des utilisateurs du crayon de couleur. Suivant le résultat
que lon veut obtenir, on peut mélanger les crayons de différentes
façons.
Il y a le système des hachures entrecroisées où
lartiste mélange des couleurs apparemment sans rapport,
mais qui donne une fois éloigné de luvre,
une teinte nouvelle par effet doptique. Cela sapparente
au pointillisme chez les impressionnistes.
On peut aussi tout simplement mélanger les couleurs en les appliquant
successivement en couches légères et de façon uniforme,
ce qui s'apparente au glacis utilisé dans la peinture à
l'huile.
Cette technique est celle qui vient le plus naturellement mais elle
na jamais été exploitée dans sa totalité,
du moins à ma connaissance et au vu des différentes éditions
sur ce sujet.
Le mélange par couches légères, cest-à-dire
en appuyant faiblement sur la mine, est la base de ma technique, alors
quelle est la finalité pour les autres artistes. Et pourquoi
se contentent-ils de ces mélanges superficiels ? La raison est
simple et découle directement du principe de transfert de la
cire sur le papier. (La cire, je le rappelle, est le constituant de
la mine qui permet le transfert du pigment sur la feuille). En effet,
pour que ce transfert se fasse, il faut que la mine accroche le papier.
Cest la raison pour laquelle on utilise un papier dit à
grain. Le fait de frotter la mine sur le papier, la cire se dépose
sur ces grains qui sont les bosses du papier. Tant que ces grains ne
sont pas écrasés par la mine, la cire sy dépose
facilement, doù lintérêt deffectuer
le mélange sans appuyer trop fort.
Seulement, cette méthode ne permet pas le remplissage des creux
du papier. Une fois le travail achevé, on verra donc celui-ci
transparaître à travers la cire à cause de cette
multitude de creux laissés vierges. Bien sûr, si cest
leffet quon recherche, on peut sarrêter là.
Seulement la faible densité de pigment présente sur le
papier donne, à ce stade, un rendu des couleurs que je trouve
fade.
Pour bénéficier de couleurs plus lumineuses et plus contrastées,
il faut donc augmenter la densité du pigment en recouvrant la
totalité de la feuille ; ce qui veut dire écraser le grain
pour remplir les creux du papier, en appuyant plus fort.
Cest donc au stade où les autres artistes ont fini que
moi je commence ; et cest précisément là
que lon passe du stade de crayonnage (sans être péjoratif),
au stade de la peinture au crayon (au sens technique du
terme, voir introduction).
Pour
passer ce cap, il faut bien entendu une certaine expérience de
la technique, qui vient au fur et à mesure quon la pratique.
Elle reste néanmoins délicate car une fois le grain écrasé, la cire n’adhère plus aussi facilement sur le papier et le mélange devient de moins en moins aisé. La difficulté principale est d’utiliser alternativement les différentes couleurs mises en jeu en appuyant progressivement de plus en plus fort jusqu’à écrasement du grain, tout en conservant le mélange de base superficiel ; le tout sans que l’on voie les coups de crayons et sans dépasser les contraintes physiques ou les limites du papier. C’est-à-dire éviter qu’il s’arrache à sa surface ou qu’il se déforme en gondolant à l’endroit où l’on a trop insisté (pression trop forte de la mine ajoutée à des passages répétés au même endroit).
La mise au point de cette technique fut longue. Mes premières œuvres ont donc subi l’inexpérience du débutant citée plus haut. Ce n’est qu’après plusieurs années de recherches et de progrès que j’ai pu surmonter toutes les difficultés.
Ici, je ne parlerai pas de la technique du dessin (perspective, proportions, volumes, ombres, etc.) mais de ma manière de travailler la couleur pour qu’elle s’apparente à un effet de peinture.
Réalisation de grands aplats de couleurs
Première étape
Technique de base : le mélange à sec
Il semble stupide de donner des conseils pour réaliser un simple
aplat dune seule couleur, mais si lon ne veut pas avoir de
mauvaises surprises, il faut suivre une certaine procédure, ceci
étant la base de la technique.
Lorsquon remplit un fond ou un grand détail avec une seule
couleur, on est tenté dappuyer franchement sur la mine pour
opacifier immédiatement le papier. Erreur fatale ! On court tout
droit vers un papier qui se déforme de façon anarchique.
Il peut même atteindre laspect dun papier peint mal
posé sous lequel il reste des bulles dair. Le pire cest
que cette réaction ne se remarque pas tout de suite. Cest
après avoir réalisé une certaine surface que lon
voit apparaître ce phénomène irréversible.
Donc même pour lapplication dune seule couleur, il faut
procéder comme si on en mélangeait deux : cest-à-dire
commencer par une application légère puis insister progressivement
jusquà disparition totale de la feuille. Il faut bien sûr
appuyer suffisamment, mais cela doit rester dans le domaine du raisonnable.
Si l'on appuie vraiment trop fort, même progressivement, on risque
la déformation anarchique du papier et même larrachement
de sa surface. À force dexpériences, on arrive à
bien sentir les limites quil ne faut pas dépasser.
Remarque
: Même en exerçant une pression progressive on verra naitre
une déformation de la feuille par rapport au reste laisser encore
vierge. Le papier se met à gondoler légèrement. Cela
peut surprendre au début mais cest normal car par cette méthode,
la déformation est maitrisée et reste constante. Donc
lorsque la feuille est entièrement remplie, le papier a été
écrasé de manière uniforme et il redevient alors
plat !
Dernier conseil : lors de l'application de la mine sur le papier, il vaut
mieux éviter de donner un mouvement de va-et-vient rectiligne (même
de faible amplitude), cela agresse le papier. Personnellement, je donne
un petit mouvement rotatif, c'est moins agressif et l'effet "coup
de crayon" disparait, ce qui est indispensable pour la réalisation
de dégradés subtils.
Pression progressive de la mine sur le papier.
Cela évite les coups de crayon et la déformation anarchique du papier.
Couleur : Sienne brûlée
Voir le fond noir de "Le pacte rompu"

Deuxième étape
mélange de deux couleurs sans dégradé
C'est la même procédure que dans la première étape en commençant par la couleur la plus foncée. C'est à ce stade que l'on dose les deux couleurs à mélanger ; par couches légères et en alternance.
Remarque : Avant d'aller plus loin, il faut savoir que plus le mélange des couleurs s'effectue avec des teintes voisines plus il sera homogène et semblera produire véritablement une couleur nouvelle. On pourra l'utiliser pour réaliser de grandes surfaces (voir la trouée de ciel bleu dans la Bataille d'Alexandre effectuée à l'aide d'un bleu gris et d'un bleu pastel). En revanche l'emploi de couleurs claires avec des couleurs foncées est déconseillé pour de grands aplats ou grands détails car l'homogénéité du mélange est impossible et laisse apparaître les coups de crayon. On peut l'utiliser de préférence pour de petits détails ou bien si l'effet est recherché.
Contre-exemple :
mélange de couleur claire sur couleur foncée.
Couleurs de base : bleu gentiane et jaune paille

Actuellement la palette des couleurs disponibles est assez importante pour pouvoir obtenir une nouvelle couleur sans avoir à mélanger des teintes trop distantes.
1. Mélange équilibré
Pour en revenir au dosage des couleurs de base, si l'on veut un mélange équilibré, il suffit d'alterner de façon égale les couches jusqu'à opacification de la feuille en finissant en général par la teinte la plus claire. Ceci s'explique par le fait que le crayon de couleur foncé prime sur la teinte claire. À pression identique le foncé recouvre plus que le clair. Autrement dit la couleur claire laisse transparaître la couleur précédente située sous elle.
Mélange
de 2 couleurs sans dégradé.
Mélange à 50 %
Couleurs de base : vert réséda et ocre vert
Mélange
: alternance des couleurs
1 couche
2 couches
4 couches
4 couches + les finitions

2. Mélange plus foncé
Pour l'obtention d'un mélange plus foncé, il suffit d'insister plus longtemps sur la couleur de base foncée dans l'alternance avec la couleur de base claire.
À gauche, mélange plus foncé.
À droite, mélange équilibré témoin

Une fois le mélange effectué, il est toujours possible de le foncer légèrement sans ajouter une couche supplémentaire qui serait de trop. Pour cela il faut utiliser la technique du saupoudrage qui consiste à gratter la mine de façon très légère à l'aide d'une lame de cutter ou d'un grattoir très fin au-dessus du mélange. On estompe ensuite le pigment avec le doigt de façon très légère.
3. Mélange plus clair
C'est bien sûr l'inverse que précédemment.
À gauche, mélange plus clair.
À droite, mélange équilibré témoin

Mais
il arrive parfois que l'on veuille obtenir une teinte à peine plus
foncée que la couleur de base claire nécessitant alors une
seule sous-couche foncée. La couche claire risque de laisser apparaitre
les coups de crayon de la couche foncée du dessous. Ces coups de
crayon ne pouvant disparaitre que par la multiplication des couches
(mélange équilibré), on ne peut donc pas appliquer
la première couche de manière classique (mine frottée
sur le papier). On réalise alors la sous-couche par saupoudrage
comme dans le mélange plus foncé. Il ne reste plus qu'à
passer la couleur claire de manière classique ; le mélange,
de cette façon, est homogène.
L'expérience permet de choisir la technique appropriée.
Troisième étape
Mélange de deux couleurs avec dégradé
(passage d'une couleur à l'autre avec un fondu entre les deux)
Le principe est le même que le mélange de deux couleurs.
Elles ne sont pas superposées mais juxtaposées et la fusion
intervient de manière progressive entre les deux en passant de
l'une à l'autre.
La réalisation demande une certaine expérience que l'on
peut maitriser avec un exercice de base simple. Je prendrai pour
exemple le passage d'un carmin à un pourpre . On réalise
un premier dégradé avec le carmin (fig. 1) puis on applique
un second dégradé avec le pourpre en sens inverse (fig.
2). À la jonction des deux couleurs, on se retrouve à la
deuxième étape (fig. 3). Pour la finition, toujours procéder
par petite surface en donnant un petit mouvement rotatif afin d'homogénéiser
le mélange.
Mélange
avec dégradé.
Couleurs de base : carmin et pourpre
Superposition des dégradés 1 et 2 = 3.

Mélange de trois couleurs avec dégradé
Voir les drapés des différents nus, les dégradés de ciels, etc.
Mélange
avec dégradé de 3 couleurs.
Couleurs
de base :
vert
de malachite
vert opale
vert de malachite clair
Le dégradé se termine du vert clair vers le blanc par saupoudrage

En ce qui concerne les aplats en général, il m'arrive de parfaire la finition en utilisant la technique du saupoudrage de la deuxième étape par-dessus la technique classique.
Réalisation de détails
- Contrairement aux aplats de couleurs, on peut mélanger n'importe
quelles couleurs entre elles, même du très foncé avec
du très clair. Tout dépend de l'effet que l'on veut réaliser.
Dans certains cas, le fait de laisser les coups de crayons visibles et dans
une orientation particulière apporte un réalisme supplémentaire
à l'effet recherché.
Exemples :
- poils d'animaux : "Ô Main divine"
- chevelure : "Combat
de toile, conflit de femme"
- rayons de soleil à
travers un élément liquide : "Naissance d'un Mythe"
- projection d'eau : "Crash"
- Parfois on peut jouer sur les priorités qu'ont les couleurs foncées sur les claires.
Pour la réalisation de marbrures par exemple, j'effectue le mélange de base pour le fond puis les marbrures sont réalisées par-dessus, seulement après. Celles qui sont de couleurs vives (couvrant totalement le fond) nécessitent l'utilisation de la technique humide (voir chapitre 5 : technique d'humidification). Celles qui laissent transparaitre le fond sont appliquées à sec en appuyant plus ou moins fort suivant l'effet de transparence que je souhaite obtenir en jouant sur le faible pouvoir opacification des teintes claires sur les teintes foncées.
Réalisation de marbrures (L'échiquier du destin)
Une autre méthode pour obtenir un effet de matière c'est l'utilisation de la gomme électrique. Un exemple précis dans les nus féminins comme "Emmanuelle" : les éclats dans la pierre.
étape
1 : réalisation du fond dégradé.
étape
2 : gommage correspondant à la partie éclairée
de l'éclat
étape
3 : remplissage de la partie gommée avec
la couleur correspondant à l'éclairage voulu.
étape
4 : finition par l'application de l'ombre
portée des rebords de l'éclat pour donner le relief.

Pour des détails minuscules pour lesquels la mine, même parfaitement
taillée, reste trop grosse, la technique du grattage à l'aide
d'une lame est le seul moyen possible.
Cela consiste à appliquer deux couches de teintes éloignées
en commençant cette fois-ci par la plus claire mais sans les mélanger.
La première couche opacifie la feuille, la deuxième cache
la première. Le grattage fait alors réapparaître la
teinte claire suivant la forme voulue.
On retrouve de nombreux exemples de cette technique dans "La bataille
d'Alexandre". Par exemple herbe, inscription sur un drapeau, poils
d'animaux, pompons au bout des lances.
Dans tous les cas, les grands traits de l'oeuvre sont tracés au départ au crayon graphite. Les détails rempliront les différentes zones ainsi définies. Dans le cas de détails sombres, l'application de la couleur recouvrira le crayon graphite et le fera disparaitre. Si, au contraire, les détails nécessitent une teinte claire, le tracé du crayon graphite devra être effacé juste avant d'appliquer cette couleur claire. Sinon le tracé resterait visible par transparence.
L'échiquier du destin - esquisse